Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article FRUMENTUM EMTUM

FRUMENTUM EMTUM. On appelait. ainsi, au temps de la République, le blé que le sénat ordonnait de requé FRU 4349 FUL rir en province et notamment en Sicile 1 pour les besoins de Rome, moyennant remboursement d'après un tarif officiel. Il ne faut pas le confondre avec le frumentum in cellam ou AESTIMIATUII, destiné au prétoire du proconsul ou de l'armée [PROVINCIAL. Le frumentum emtum consistait souvent dans une double dîme frumentum emiunz decumanum, ou dans un vingtième pour les pays moins fertiles 3. Cicéron distingue le frumentum emtum ou blé de seconde dîme, altera decuma, requis sauf indemnité, du blé requis à titre d'impôt extraordinaire en sus, fz-umentumimperatumt. Mais Tite-Live paraît confondre ces deux dénominations 5. On petit dire, avec Marquardt 6, qu'originairement tout blé requis se dit imperatum, mais que si l'on en admet l'indemnité, il s'appelle frumentum emtum imperatum. En l'an 691 de Roine (73 av. J.-C.) la loi Terentia Cassia sur les distributions de blés', renou velant la loi Sempronia frumentaria [FRUMENTARIAE LEGES] prescrivit de distribuer du blé à 6 as 43 le modius8 = 8 litres 671 ou 13 livres 285; 6 kilog. 303 en poids. Or l'as valait alors seulement 1/24 de la livre de cuivre (aes grave), depuis la loi Papiria, rendue en 665 de Rome 89 av. J.-C.; donc le modius était vendu environ 35 centimes de notre monnaie. Pour exécuter cette loi, une quantité totale fut imposée à la Sicile et répartie entre toutes les cités. Elle fournissait trois millions de modii comme dîmes [DECUM'AE], trois autres millions à titre de seconde dîme (alterae decumae) et en sus 800000 modii comme frumentum imperatum9. Tout ce blé était conduit en nature à Rome 70 par les publicains. Le blé de dîme était remboursé à 3 sesterces ou 12 as et le blé imperatum à 4 sesterces ou environ 70 centimes le modius" ; le tout, c'est-à-dire 6 millions 800 000 modii coûtait à l'État 20 millions 800 000 sesterces. Si l'on admet que le blé des decumae était ainsi vendu au peuple au prix réduit de 6 as 1/3 le modius, il en résultait pour l'État, suivant Marquardt 12, une perte de plus de 10 millions de sesterces. Sous l'Empire, le blé de Sicile et d'Afrique ou d'Égypte fut encore destiné à nourrir les Capitales ou l'armée réquisitions encore usitées [COMPARATlo PI BLICA], avec les FRUMENTUM IN CELLAM OU AESTIIIATUgI [AES tier, industrie du foulon3. Le terme fullonica sert encore à désigner le local, l'officine, l'atelier(xvapsiov) 4, où était exercée cette industrie On a connu dès une haute antiquité la propriété que possèdent les filaments de laine et les tissus qui en sont formés de se feutrer (cogi, conciliari 6) par le foulage. C'est sur cette propriété que repose l'industrie des foulons', à laquelle la tradition donnait pour inventeur un certain Nicias de Mégare 8, Mais ce métier très complexe ne comprenait pas seulement le foulage des étoffes de laine dont on voulait l'aire des draps, il embrassait encore toutes les opérations et manipulations relatives tant au nettoyage et à l'apprêt des tissus de laine neufs (vestes rudes, de tela), qu'à la remise en bon état (interpolatio) de ceux déjà portés en vêtements (vestimenta ab usu 9, vestes tritae, de floccatae). Aussi les foulons (x'lr. e ;, lones, lavatores, lotores, lutores) 13 On sait, par les inscriptions, qu'il y avait des foulons en Grèce au vie siècle avant notre ère. Si l'on ignore quels furent les premiers procédés de leur industrie, au moins connaît-on, par un passage d'Hippocrate 1'i, l'ensemble des opérations pratiquées de son temps. C'est pa'r celles-ci que nous allons commencer. Les laines étaient nettoyées avant d'être mises en oeuvre; mais durant le filage et le tissage, elles contractaient inévitablement des souillures dont il était nécessaire de les débarrasser; aussi commençait-on par soumettre au lavage (77)1évety, lavare)16 les tissus neufs tout comme ceux qui avaient été portés. Pour en effectuer le nettoyage, on agitait les étoffes et on les foulait aux un très ancien usage, qui remonte aux temps homériques f9, dans de l'eau à laquelle on mélangeait des substances alcalines °0, par exemple, le sel appelé v:r FUL -1350 FUL povl (a('rpov chez les Attiques2, nitrum3), mot qui désigne tantôt le carbonate de potasse, tantôt le carbonate de soude °. Celui que l'on extrayait des eaux du lac de Chalastra, en Macédoine et que l'on appelait pour cette raison 7aaac7p«Tov, était particulièrement estimé Les foulons se servaient aussi de l'urine de l'homme 6 ou des animaux; enfin ils connaissaient et utilisaient les propriétés absorbantes de l'argile smectique ou terre à qui a toujours joué un rôle important dans le dégraissage des tissus de laine, qu'elle rend plus souples et plus moelleux. Les anciens distinguaient plusieurs sortes de terres à foulon. La plus estimée se tirait de la petite île de Cimotos 12, une des Cyclades, d'où le nom de cimolia (xtu.co),(z creta cimolia) 13 [cnETA] fut étendu à toutes les argiles du même genre. 11 y en avait deux variétés, la blanche et la colorée 14. Après la terre cimoliée venait celle d'Ombrie (ulrbrica terra) et celle que l'on appelait roche (saxum). Cette dernière se vendait au poids, tandis que la sorte la moins recherchée, la terre de Sardaigne (sarda), se vendait à la mesure u. On avait aussi trouvé des argiles propres au dégraissage à Lemnos età Samos 16. Ces diverses terres, comme nous le verrons, n'étaient pas employées aux mêmes usages. La terre de Sardaigne et la roche se mélangeaient à l'eau, mais la première ne servait que pour les étoffes blanches 17 Afin de favoriser ou d'achever le feutrage com mencé en les foulant aux pieds, les tissus étaient ensuite soumis au battage (x67rTety) 18, puis, selon toute probabilité, bien que ce ne soit dit expressément nulle part, rincés et séchés 13. Désormais l'étoffe avait pris du corps, elle était devenue un drap plus ou moins serré, selon que le foulage et le battage avaient été plus ou moins prolongés. Mais les poils de la surface, tout enchevêtrés, avaient besoin d'être démêlés pour être convertis en un duvet que l'on pût tondre régulièrement. Cette façon, appelée aujourd'hui lainage, se donnait en espèce de chardon (yvcepîxrl cixavOO 23, fullonia spina) 2'; on employa au même usage l'hippophaeston (centaurea spinosa) 23, le cardère à foulon (dipsacus fullonum) 26 enfin on utilisa aussi la peau du hérisson 27. Au ter siècle de notre ère, comme on en peut juger d'après une peinture de la fullonica de Pompéi (fig. 3302), ce travail s'exécutait en suspendant l'étoffe et en la peignant de haut en bas avec un instrument, probablement en métal, appelé aena 2° (xvynoç) 29 auquel étaient fixés les chardons, épines ou aiguillons servant à cet usage. Mais peut-être dans le principe, cardait-on les tissus en les traînant sur les plantes épineuses groupées à cet effet (s,rl xvxsu Dxsty, opérations auxquelles étaient soumis les tissus, d'après le texte hippocratique, dans lequel ensuite il n'est plus nettement question que du tondage3l En Italie, les draps, une fois cardés, étaient exposés a. l'action de l'acide sulfureux, le soufrage avait pour but de relever l'éclat des étoffes blanches; il servait aussi à re connaître si les tissus de couleur étaient teints ou non. Pour les soufrer (sulfure suffire 37, 6eroûv) 33, on les étendait sur une sorte de cage semi-ovoïde (cavea viminea) formée de baguettes d'osier qui partaient d'un sommet unique et étaient maintenues écartées par des cercles horizontaux. Dans l'intérieur de cette cage se plaçait, vraisemblablement, un réchaud contenant du soufre allumé, comme on peut le conjecturer d'après une des FUL 1351 FUL peintures de la fullonica de, Pompéi, où l'on voit un ouvrier apporter sur ses épaules, en la soutenant de la main droite, la cage entre les barreaux de laquelle il a passé la tête, tandis qu'il porte de la main gauche une espèce de petit réchaud (fig. 3302). Les opérations qui restent à exécuter constituent ce qu'on appelle l'apprêt (polire)1. Le soufrage terminé, les tissus, neufs ou autres, étaient frottés (desquamare) 2, s'ils étaient blancs, avec la terre appelée saxum; ou, en ' Grèce, avec le gypse de Tymphée (Étolie)3. Ceci relevait leur éclat et rendait leur blancheur plus durable. Pour les étoffes de couleur on prenait soit la terre d'Ombrie, dont c'était le seul usage, soit la terre cimoliée, qui avait la réputation de rendre du lustre aux couleurs pâlies par le soufre'. Quant au brossage, dont il n'est fait mention nulle part, peut-être se confondait-il avec le cardage parce qu'il s'effectuait avec des instruments analogues. Comme il ne semble pas qu'on pût l'omettre, nous devons supposer qu'il avait lieu. C'est aussi chez les foulons que se tondaient les draps (xE(pEty, d-.oxElpt,t) s ; mais, si nous sommes assurés que cette opération se pratiquait, nous n'avons aucun renseignement sur la façon dont on y procédait G. Tous les tissus naturellement n'étaient pas tondus; on fabriquait des couvertures et des vêtements auxquels on laissait leurs poils (villi) 7 soit sur les deux amphitapae) 10, soit sur une seule (';), psila 11, ëTEpdt.tx),a2)12. Parmi les tissus de ce dernier genre on range celui que l'on appelait gausapa, gausapum et qui se fabriquait à Padoue au temps du père de Pline l'Ancien 13. Après toutes ces manipulations il restait, comme de nos jours, à plier les étoffes et à les mettre en presse (17-oas, 7ttdEtv)1'•[PBELUM], L'ouvrier chargé de ce travail les étendait avec soin (diducere tendiculis) et les aspergeait (Eti,ç,uexvn, adspergere) légèrement avec de l'eau contenue dans sa bouche, qu'il lançait en la divisant le plus possible16. L'étoffe en sortant de la presse (solatis pressoriis)17 avait tout son lustre et tout son éclat. Ce n'était pas seulement les étoffes neuves que traitaient les foulons, ils se chargeaient encore non seulement de nettoyer, mais aussi de remettre à neuf (interpolare) les vêtements usés ; ils le faisaient même avecassez d'habileté, paraît-il, pour qu'il fût quelquefois difficile de distinguer une vieille étoffe d'une neuve18. Ce nettoyage des vêtements constituait dans la vie antique une dépense assez importante pour qu'elle fît, dans les comptes de tutelle, l'objet d'un article spécial 19. Nous savons par un passage d'Aristophane 20 que pour une tunique (ztTtSv) on payait trois oboles (0 fr. 49 cent.). Une foulerie était donc, en général, un établissement important, qui exigeait un outillage et un matériel con sidérables, dont tous les éléments ne nous sont pas connus. Outre les instruments dont il a été question déjà, les brosses et les ciseaux dont nous'devons supposer l'emploi 2i, il yavait encore le czpoôn ;, dont la forme et l'usage nous sont inconnus 22. Il fallait, pour le lavage, des bassins à eau, pour le foulage, des cuves ou auges (7rÀuvoi23, lacus2', lacunae25, pilae fullonicae)26 disposées à cet effet. Vu la grande consommation d'eau qqe l'on faisait, les fouleries étaient généralement établies dans le voisinage de sources ou de fontaines27, et, à Rome, auprès des aqueducs publics, où les industriels pouvaient prendre de l'eau moyennant redevance à l'État, au temps de la République 28. Dans la grande fullonica découverte à Pompéi en 1825, et dans une autre de moindre importance mise au jour en 1873 29, on voit (fig 3303) de grands bassins en maçonnerie construits à des niveaux différents et reliés les uns aux autres30. Tout auprès se trouve une série de niches semblables à celles que l'on voit (fig. 3302) représentées sur un des piliers de l'établissement31. Là devaient être disposées les cuves dans lesquelles on foulait les étoffes tant pour les nettoyer que pour les feutrer. C'est probablement dans cette partie du travail que les ouvriers se livraient à cette évolution particulière tus37 et qui est peutêtre représentée sur une des peintures dont nous venons de parler (fig. 3303), où l'on voit un ouvrier se soulever dans sa cuve en appuyant ses bras sur les cloisons de la niche où il travaille. Un bas-relief FUL 1352 FUL du musée de Sens qui représente (fig. 3306) un foulon à son travail, offre une cuve disposée de façon que l'ouvrier puisse poser ses mains sur les parois de droite et de gauche, plus élevées que les autres. Pour s'approvisionner de l'urine dont ils avaient besoin, les foulons disposaient dans les rues de grands vases de terre (testae)2 qu'ils enlevaient et remplaçaient lorsque les passants les avaient remplis. Les diverses besognes qui constituaient l'industrie si compliquée des foulons, besognes pour lesquelles il était indispensable d'avoir des ouvriers habiles, ne pouvaient guère, on le conçoit aisément, faire partie des travaux domestiques accomplis par. les esclaves. Seuls les riches propriétaires pouvaient se permettre d'avoir une foulerie à Ieur usage exclusif. En général on envoyait les objets d'habillement à l'établissement le plus voisin, avec lequel on traitait quelquefois à forfait pour une année Aussi les foulons formaient-ils un corps de métier très important et les voyons-nous çà et là organisés en collèges et sodalicia'. Ils avaient, comme tous les artifices, pour divinité protectrice de leur corporation Minerve, dont ils célébraient la fête le 19 mars'. Ceci nous explique la présence de la chouette sur le sommet du clayonnage d'osier dont il a été question à propos du soufrage et la couronne d'olivier dont est ceinte la tête de l'ouvrier qui la porte (fig. 3301) 6. A Rome, sous la République, la loi était intervenue pour réglementer l'industrie des foulons ; elle avait fixé l'ordre des manipulations par lesquelles devaient passer les étoffes et, autant qu'on en peut juger d'après le texte de Pline, stipulé quelles matières devaient être